À la rencontre du plus grand pirate de MP3 de tous les temps

Dell Glover. Ce nom ne vous est peut-être pas inconnu et c’est assez logique, car il est une véritable célébrité dans le petit milieu des pirates. Il a effectivement fait fuiter pendant des années les plus grands disques des années 90, alimentant du même coup toutes les plateformes de téléchargement illégal de l’époque. Stephen Witt est allé à sa rencontre et il a retracé une partie de sa vie dans son dernier livre, disponible depuis le mois dernier en France.

Witt a obtenu un diplôme de mathématiques en 2001 à l’Université de Chicago. Après avoir passé plusieurs années à investir en Bourse, il a souhaité donner un nouvel élan à sa carrière.

Warez
Les années Warez ont maintenant leur livre.

Il a donc changé radicalement de voie et il a suivi un cursus à l’Université de Columbia afin de devenir journaliste.

1990, les années Warez

Après avoir signé quelques piges pour le New Yorker, Witt a commencé à bosser sur un premier bouquin consacré à l’industrie du disque et plus précisément à l’histoire secrète du piratage de la musique. Pour lui donner une dimension plus humaine, il est parti à la rencontre de trois personnages très différents : Karlheinz Brandenburg, l’inventeur du format MP3, Doug Morris, le patron de la Warner puis d’Universal, et Dell Glover, le plus gros pirate de musique de toute notre histoire.

Le livre lui consacre plusieurs chapitres et il revient notamment sur son histoire et sur ce qui l’a poussé à enfreindre la loi.

Dell Glover vivait à l’époque à Shelby, une petite ville située en Caroline du Nord, une ville touchée de plein fouet par la désindustrialisation. Après avoir enchaîné les petits boulots, il a fini par décrocher un poste dans une usine locale, une usine appartenant au label PolyGram.

Elle était utilisée pour fabriquer les CD de ses artistes et Glover était affecté à l’emballage des disques.

Un soir, après le boulot, un de ses collègues l’a invité à une soirée et il a accepté. Là, en tendant l’oreille, il a eu la surprise d’entendre une chanson qu’il ne connaissait pas. Il s’agissait d’une musique de contrebande, en provenance directe de l’usine.

Afin d’arrondir ses fins de mois, Glover a commencé à fabriquer des copies illégales de CD à l’usine, pour les revendre ensuite dans son quartier.

Mais notre ami ne se passionnait pas uniquement pour la musique. Il s’intéressait beaucoup à l’informatique et il a même été un des premiers habitants de son quartier à se payer une connexion internet. Après avoir traîné de site en site, il a fini par entendre parler des canaux IRC et notamment par un canal en particulier : #MP3.

Il ne connaissait rien de ce format à l’époque, mais un membre du groupe lui a proposé de télécharger une musique. Il a accepté et il a alors eu la surprise de constater que ce drôle de MP3 offrait un rendu sonore similaire à celui des CD de l’usine.

1 500 $ par semaine durant les bons mois

Fasciné par ce format, il a cherché à en apprendre un peu plus et c’est ainsi qu’il a fini par croiser la route de Kali, le chef de l’un des meilleurs groupes de Warez de l’époque : Rabid Neurosis. Ou RNS, pour les intimes. Après plusieurs échanges, ce dernier lui a proposé de devenir une de ses taupes en échange d’un accès gratuit et illimité à ses archives secrètes.

Glover a accepté.

Entre temps, l’usine a fini par tomber aux mains d’Universal et ce dernier a très vite fait installé des portiques de sécurité au niveau de tous les accès afin d’éviter des fuites. Cela n’a cependant pas eu l’effet escompté, car Glover a continué à faire sortir ses CD en les cachant sous la gigantesque boucle de sa ceinture.

Durant les années qui ont suivi, notre ami a fourni des centaines de disques à Kali et aux membres de son équipe, bien plus qu’aucune autre taupe avant lui. L’opération lui a rapporté beaucoup d’argent, bien entendu. Jusqu’à 1500 $ par semaine les bons mois.

En parallèle, la scène Warez s’est beaucoup développée. IRC a laissé place à Napster, qui a lui-même donné vie à eMule, Gnutella ou encore Limewire.

Glover a continué à faire sortir des CD, toujours avec la complicité de Kali. Et puis, les années ont passé. À la fin des années 90, les deux amis ont décidé de raccrocher les gants. Trop tard, malheureusement. Tuyauté par un membre de RNS, le FBI a fini par remonter la trace de la taupe.

Malgré les pressions, Glover a refusé de donner Kali et il a fini par plaider coupable… pour écoper d’une peine de trois mois. Le FBI a cependant réussi à identifier le chef de RNS, un certain Adil R. Cassim. Un indo-américain de 29 ans qui travaillait comme administrateur système et qui vivait chez sa mère, dans la banlieue de Los Angeles.

Une histoire un peu folle, finalement, qui témoigne d’une époque que nous sommes assez peu à avoir connue.

Le livre de Stephen Witt est disponible sur Amazon en version française, à un prix fixé à 9,99 € en version numérique ou à 24 € en version broché.

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