Retour sur l’épidémie dansante de 1518 à Strasbourg

Il existe beaucoup de maladies bizarres sur Terre, mais une épidémie qui poussent les gens à danser jusqu’à ce que mort s’ensuive, cela ressemble plus à une légende. Pourtant cette étrange pathologie existe bel et bien et elle porte le nom de manie dansante, ou chorémanie.

Il s’agit d’un phénomène d’hystérie collective observé entre les 14e et 18e siècles principalement en Allemagne et en Alsace. L’un des cas les plus célèbres a eu lieu à Strasbourg en Alsace en juillet 1518.

danse
Crédits Pixabay

L’épidémie dansante de 1518

Selon le médecin et philosophe du 16e siècle, Paracelse, en juillet 1518 une femme du nom de Frau Troffea se mit à danser apparemment sans raison dans une rue de Strasbourg.

Frau Troffea ne semblait plus pouvoir s’arrêter de danser et cela dura entre quatre et six jours. Au bout d’une semaine, 34 autres personnes se mirent elles aussi à danser avec ferveur sans pouvoir s’arrêter, puis le nombre grimpa très vite autour de 400 personnes au bout d’un mois. C’était le début de l’épidémie dansante de 1518.

Bien qu’aucun auteur contemporain aux faits n’évoque de décès liés à cette épidémie de manie dansante, on rapporte que certains des malades finirent par décéder d’épuisement, d’accident vasculaire cérébral ou de crise cardiaque. Aujourd’hui encore on ignore pourquoi ces personnes se sont mises à danser jusqu’à ce que mort s’ensuive. Mais une chose est sûre, c’est que l’épidémie était bien réelle, comme le prouvent divers documents historiques de l’époque, y compris des chroniques locales et régionales, des sermons de la cathédrale, des notes des médecins, et même les billets émis par le conseil municipal de Strasbourg.

Une solution étrange pour stopper l’épidémie

Face à l’ampleur que prenait l’épidémie dansante de Strasbourg, des notables de la ville ont fait appel aux médecins locaux pour tenter de déterminer l’origine du mal. Rejetant toute cause surnaturelle ou astrologique, les médecins établirent qu’il s’agissait d’une « maladie naturelle », causée par un « sang trop chaud ».

Toutefois, au lieu de pratiquer des saignées comme c’était d’usage à l’époque, les autorités pensaient que le seul moyen de se débarrasser du mal était de faire en sorte que les malades continuent de danser sans interruption jour et nuit jusqu’à épuisement.

Les autorités installèrent ainsi un marché aux grains et construisirent une scène en bois pour  encourager les danseurs. Ils embauchèrent même des musiciens pour inciter les malades à continuer à danser. Mais au lieu d’endiguer le mal, cela ne fit que favoriser la contagion. Les autorités se résolurent donc en fin juillet à démanteler le dispositif en place. Les estrades furent démontées et les orchestres interdits.

Finalement, l’épidémie dansante de 1518 prit fin quelques semaines plus tard lorsque les danseurs furent tous conduits à Saverne, à une journée de Strasbourg, pour prendre part à une cérémonie en l’honneur de saint Guy, protecteur des malades de chorée.

Mystère autour de la cause de la manie dansante

La manie dansante de Strasbourg est l’une des mieux documentées de l’histoire sans doute parce qu’elle est survenue après l’invention de l’imprimerie, dans une cité qui avait bien intégré cette technologie.

L’un des ouvrages de référence sur le sujet, The Dancing Plague (parue en 2009), a été écrit par l’historien de la médecine John Waller. Aujourd’hui, plus de cinq cents ans se sont écoulés depuis l’épidémie dansante de 1518, pourtant l’épisode continue encore d’intriguer les spécialistes, car des preuves montrent que ce n’est pas une légende.

Par ailleurs, ce cas de manie dansante n’est ni le premier ni le dernier de l’histoire. En tout, une vingtaine de cas similaires ont été rapportés entre 1200 et 1600. Le dernier épisode aurait eu lieu en 1863 à Madagascar. Plusieurs théories ont été avancées au fil des siècles pour expliquer l’épidémie de Strasbourg : hystérie collective, possession démoniaque, culte hérétique, ou encore ergotisme (empoisonnement par du seigle contaminé par une mycotoxine).

Pour sa part, John Waller pense que le contexte y est pour beaucoup. Il écrit dans son ouvrage que les individus vulnérables sur le plan psychologique, et qui croient aux châtiments divins, sont ceux qui sont le plus susceptibles de manifester les phénomènes de transe. Deux conditions qui étaient réunies à Strasbourg car la ville avait subi une succession inhabituelle d’épidémies et de famines ; et ses habitants croyaient à saint Guy, à qui l’on attribue le pouvoir d’infliger et de guérir des maladies, notamment par la danse.

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