Il y a quelques jours, le chercheur He Jiankui, de l’Université des sciences et de la technologie du sud de Shenzhen, a déclaré avoir créé les premiers bébés génétiquement modifiés. L’annonce, qui a fait un choc au sein de la communauté scientifique, a été adressée à l’un des organisateurs d’une conférence internationale sur l’édition de gènes, à Hong Kong.
He Jiankui a souligné que son but était de trouver une solution permettant de rendre un corps résistant au virus du SIDA.
Sept couples auraient participé à l’expérience. Les sept participants seraient tous séropositifs tandis que toutes les femmes seraient séronégatives. La fécondation des embryons aurait eu lieu in vitro. He Jiankui a affirmé avoir abouti à une grossesse jumelle après six tentatives d’implants.
Notons que ces informations ne sont fondées que sur les affirmations de l’auteur de l’expérience lui-même. Elles ont été relayées par le MIT Technology Review et l’Associated Press. L’étude n’a pas été publiée sous la forme d’un article pouvant être vérifié par d’autres chercheurs.
La société décidera de la suite
L’ADN humain comporte un gène appelé CCR5. C’est cette protéine qui permet au VIH de pénétrer dans une cellule. L’idée de He Jiankui consiste donc à le désactiver en appliquant une technique génétique révolutionnaire appelée « Crispr-Cas9 ». Cette méthode consiste à opérer sur l’ADN afin de créer ou de désactiver un caractère génétique donné. Le revers est que les effets à long terme ne sont pas encore totalement prévisibles.
He Jiankui a souligné que son intention était remédier au problème du SIDA qui sévit dans son pays. Il a également noté avoir voulu donner la chance aux couples séropositifs d’avoir des enfants qui ne souffrent de la même maladie qu’eux.
« J’ai le sentiment que c’est une responsabilité forte que ce n’est pas seulement de faire une première, mais aussi d’en faire un exemple », a-t-il reconnu. « La société décidera de ce qu’il faut faire ensuite ».
Des enjeux éthiques et scientifiques
Associated Press et le MIT Technology Review ont mentionné des informations liant l’expérience à l’hôpital des enfants HarMoniCare de Shenzhen. Selon le rapport du MIT, le Comité d’étique de l’hôpital, qui fait partie du réseau de Putian, aurait donné son feu vert au projet.
L’institution médicale a cependant nié avoir eu vent de l’expérience et a déclaré être en train de vérifier l’authenticité des documents en question.
« Ce que nous pouvons dire avec certitude, c’est que le processus de modification des gènes n’a pas eu lieu dans notre hôpital. Les bébés ne sont pas nés ici non plus », a déclaré un porte-parole.
Le projet a été fortement critiqué. « Si cela est vrai, cette expérience est monstrueuse », a réagi Julian Savulescu, professeur d’éthique pratique à l’Université d’Oxford. « Les embryons étaient en bonne santé. Aucune maladie connue. L’édition de gènes elle-même est expérimentale et est toujours associée à des mutations non ciblées, capables de causer des problèmes génétiques tôt et tard dans la vie, y compris le développement d’un cancer. »
« Il existe de nombreux moyens efficaces de prévenir le VIH chez les personnes en bonne santé : par exemple, les rapports sexuels protégés », a-t-il ajouté. « Et il existe des traitements efficaces si on le contracte. Cette expérience expose les enfants sains et normaux à des risques d’édition génique sans aucun bénéfice réellement nécessaire. Dans de nombreux autres pays du monde, cela serait illégal, passible d’une peine d’emprisonnement. »