Fonctionnaires, blogueurs et auto-entrepreneurs, le retour

Le 4 février dernier, Hervé Novelli annonçait que le statut d’auto-entrepreneur serait bientôt ouvert sans réserve à tous les fonctionnaires. En l’état et à cause de la loi sur le cumul d’activités (nouvelle circulaire disponible ici), ces derniers devaient en effet faire face à de nombreuses limitations, comme la durée de ce cumul ainsi que leur type d’activité. Huit mois après, les choses ont peu changé mais votre humble serviteur a tout-de-même trouvé quelques pistes assez intéressantes.

Fonctionnaires, blogueurs et auto-entrepreneurs, le retour...

Aujourd’hui, nombreux sont les blogueurs à monétiser leur travail. Certains parviennent à en vivre, d’autres peuvent ainsi arrondir leurs fins de mois mais, dans tous les cas, la législation en la matière n’est pas toujours évidente. Et encore moins pour les fonctionnaires, qui sont fortement limités par la loi sur le cumul d’activités. Cette dernière prévoyait initialement deux grandes limitations : la durée du cumul était limitée à un an renouvelable une fois et il était nécessaire d’obtenir l’aval de la commission de déontologie.

Depuis les conditions ont été revues. La durée du cumul est désormais de deux ans (+ un an renouvelable) et les agents à temps partiel (70% au lieu des 50% initiaux) peuvent exercer n’importe quel type d’activité. C’est une bonne chose, mais ce n’est pas encore suffisant. La solution la plus évidente pour le blogueur / fonctionnaire serait donc de se mettre à temps partiel, ce que nous ne pouvons pas tous nous permettre.

A ce stade de l’article, si vous avez mal à la tête, c’est parfaitement normal.

Quoi qu’il en soit, après avoir lu le texte initial (dont vous pouvez trouver un résumé succinct ici), le fonctionnaire a certaines libertés :

  • Il peut détenir des parts sociales et recevoir des bénéfices afférents.
  • Ils gèrent librement leur patrimoine familial et personnel.
  • Ils peuvent produire des œuvres de l’esprit (au sens des articles L. 112-1, L. 112-2 et L. 112-3, nous y reviendrons par la suite).
  • Les personnels des établissements d’enseignant peuvent exercer une profession libérale découlant de leurs fonctions.
  • Ils peuvent aussi exercer les fonctions d’agent recenseur.
  • Ils peuvent bénéficier d’un contrat “vendanges”.

En lisant ce texte (j’ai en ma possession la copie complète), j’ai immédiatement réagi en lisant que les fonctionnaires pouvaient produire des œuvres de l’esprit et j’ai donc cherché à en savoir un peu plus sur la question et donc savoir de quoi il en retournait. Mes recherches ont été assez fructueuses puisque l’article L.112-2 m’a appris que les œuvres de l’esprit pouvaient être :

  • Les libres, brochures et autres écrits littéraires, artistiques et scientifiques.
  • Les conférences, allocutions, sermons, plaidoiries…
  • Les œuvres dramatiques.
  • Les œuvres chorégraphiques, numéros et tours de cirques.
  • Les compositions musicales avec ou sans paroles.
  • Les œuvres cinématographiques et autres œuvres consistant dans des séquences animées d’images, sonorisées ou non, dénommées ensemble œuvre audiovisuelles.
  • Les œuvres de dessin, de peinture, d’architecture…
  • Les œuvres graphiques et typographiques.
  • Les œuvres photographiques.
  • Les œuvres des arts appliqués.
  • Les illustrations, les cartes géographiques.
  • Les plans, croquis…
  • Les logiciels, y compris le matériel de conception préparatoire.
  • Les créations des industries saisonnières de l’habillement et de la parure.

L’ensemble étant assez indigeste et afin d’éviter que vos yeux ne se mettent à saigner, j’ai noté en gras les points qui m’ont le plus intéressés.

La question à se poser, c’est donc de savoir si un site web peut être considéré comme une œuvre de l’esprit. Si l’on en croit l’article dédié sur Webmaster Hub, il semblerait que la réponse à cette question ne soit pas si simple : entre la base de données, les logiciels utilisés, il y a de quoi en perdre son latin. Si j’en crois le droit d’auteur (dont je suis très loin d’être un spécialiste, je tiens à vous le préciser), il semblerait qu’un site internet soit une œuvre de l’esprit et bénéficie donc des mêmes droits qu’une photographie ou un tableau tant qu’il reflète la personnalité de l’auteur.

Alors évidemment, je n’ai pas toutes les réponses ni même toutes les clefs en main pour pouvoir me prononcer de manière inflexible sur le sujet (je ne suis ni avocat ni juriste) mais cette piste me semble être la seule que nous autres, fonctionnaires blogueurs, ayons. Si le blog relève de l’oeuvre de l’esprit, alors nous avons tout-à-fait le droit d’exercer cette activité et d’en tirer bénéfice, et ce sans aucune limitation d’aucune sorte.

Ce qui ne signifie pas forcément que les fonctionnaires peuvent devenir auto-entrepreneurs. De ce que j’en ai lu, les bénéfices perçus sur des œuvres de l’esprit doivent être déclarés en tant que BNC (bénéfices non commerciaux). Un article publié sur Création Entreprise nous confirme d’ailleurs ce point puisque les photographes (considérés aussi comme des créateurs de l’esprit) n’ont pas (encore ?) accès au statut d’auto-entrepreneur. Mais il semblerait, là encore, qu’une réforme soit en cours…

Si vous avez vous-même des pistes, n’hésitez pas à m’en faire part dans les commentaires de ce billet. Et si un avocat spécialiste de la chose se cache parmi vous, ce serait encore mieux (d’ailleurs, si Maître Eolas passe dans le coin…).

14 réflexions au sujet de “Fonctionnaires, blogueurs et auto-entrepreneurs, le retour”

  1. Concerné parce que fonctionnaire-blogueur multi-récidiviste, je me suis renseigné auprès d’un ami, juge de tribunal administratif.

    Sa réponse a été de rappeler le flou juridique auquel nous sommes confrontés et, le cas échéant, l’adoption d’une ligne de défense basée sur les oeuvres de l’esprit (pour le cas où l’on se fait pincer), sachant que c’est aléatoire puisque soumis entièrement à l’appréciation du juge.

    En clair, il faut tomber en cas de tracas sur un juge blogueur.

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  2. Le probleme n’est effectivement pas clair du tout.

    Apparemment de nouveaux textes devraient voir le jour en Octobre ou Novembre.

    Mais de toute façon, quelque soit le contenu du blog, qu’il soit considérer comme une oeuvre ou non, ce n’est pas lui que l’on vend, mais des emplacements publicitaires donc, ça change toute la donne, c’est très clair :)

    En gros, comme dirait Coluche : ” tu vois, pire, c’est déjà grave ? Ben encore pire “

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  3. @tadpu: Je pense qu’il faut prendre les devants et ne pas attendre de tomber devant le juge pour essayer de trouver une solution. Cela dit, je précise que ma DRH m’a indiqué que la piste la plus cohérente restait celle de l’oeuvre de l’esprit. De même, la loi est toujours sujette à interprétation, il suffit donc de trouver les bons arguments.

    Finalement, tout ce que les fonctionnaires peuvent attendre, c’est que les oeuvres de l’esprit soit enfin inclues dans le statut d’AE.

    @philippe: Je ne suis pas complètement d’accord avec toi. Les publicités ne servent qu’à une chose : monétiser ton travail. C’est un moyen, et non une finalité. Un blogueur ne vend pas de la pub, il monétise de l’information et je pense que cette nuance est très importante.

    Si je prends l’exemple du photographe, il peut vendre ses clichés aux journaux et magazines, il n’empêche que son travail est de l’ordre de l’oeuvre de l’esprit. Et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle il ne peut pas accéder au statut d’AE.

    Et je pense sincèrement que c’est là-dessus qu’il faut jouer. Cela dit, ce qui serait vraiment très chouette, c’est qu’un avocat ou qu’un expert comptable vienne nous donner son avis. ^^

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  4. Hello Fred

    Bon, alors, je suis fonctionnaire administratif et la question a maintes fois été abordée sur le forum que j’administre, et j’ai moi-même mené mon enquête durant plusieurs années, en écrivant des courriers aux 3 ministères concernés depuis 2006.
    Et j’ai trouvé LA faille, en quelque sorte, qui permet de cumuler fonction publique et Auto-Entrepreneuriat, sans avoir besoin d’autorisation de cumul, sans limitation dans le temps et sans restriction (à condition bien sûr de ne pas empiéter sur ton temps de service) : il s’agit en réalité (et c’est là que ça devient intéressant pour les blogueurs -que je ne suis pas-) de déclarer en activité principale de l’AE une activité de consultant.
    En l’occurrence, je fais du conseil en communication visuelle, ce qui me permet d’inclure la création de supports de communication, la formation (le statut d’AE me le permet), etc…
    Et “consultant en technologies multimédia”, cela pourrait être un terme assez pompeux mais adéquat pour dire “blogueur”… ;-)

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  5. (@Fred
    Si tout va bien, je pars avant la fin du mois, mais je traîne un peu du fait des trucs à retaper dans l’appart. pour le rendre en bon état.)

    Je vous laisse entre vous, car là, ça devient technique avec Aurels. ;)

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  6. @Aurels: Alors là, on peut dire que tu m’as fait drôlement fait avancer sur ce projet. Je me suis renseigné hier après-midi en fouinant dans les textes de loi et cette méthode me semble tout-à-fait viable. La dernière réforme en date stipule bien qu’un fonctionnaire a le droit de cumuler son activité principale avec une activité de consulting et d’expertise sans aucune limite de temps. Seule obligation, il est nécessaire d’en informer sa hiérarchie. Du coup, je pense me lancer dans les semaines qui viennent et je rédigerai bien entendu un article sur le sujet.

    En tout cas, merci beaucoup ;)

    @nekomata: Ok, bah vivement que tu sois installé alors… Et bon courage pour les derniers travaux, je sais que c’est pas toujours facile. :)

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  7. Un site internet ne peut être considéré comme une oeuvre de l’esprit que si il a un but artistique par exemple, culturel (faire connaître sa région) on qu’il s’agit d’un support entre prof et élèves… D’une façon générale, tant que le site n’a pas un but lucratif, qui se plaindrait d’un fonctionnaire qui utilise son temps personnel comme il l’entend.

    En revanche, lorsqu’il s’agit de devenir auto-entrepreneur, le problème du cumul se pose avec demande autorisation temporaire obligatoire.

    Un espoir : Hervé Novelli a promis une loi pour réformer le statut de fonctionnaire et en parle toujours. Ce sera long mais certainement effectif pour ceux qui auront créé aujourd’hui une activité avec autorisation et se trouveront (dans 2 ans) proches de l’obligation de la cesser. Mais cette affirmation n’engage que moi…

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  8. “il semblerait qu’un site internet soit une œuvre de l’esprit et bénéficie donc des mêmes droits qu’une photographie ou un tableau tant qu’il reflète la personnalité de l’auteur.”

    Tu n’as aucun soucis à te faire sur ce point, personne, même pas ton ombre, ne peut imiter ton style d’écriture.

    En tout cas, j’espère que ça va avancer positivement pour toi, mais t’es fonctionnaire, c’est déjà bien :D !

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  9. @Thomas: Je ne me plains pas d’être fonctionnaire mais j’ai des idées plein la tête et j’ai envie de pouvoir les concrétiser dans un cadre légal. Et puis bon, devenir mon propre patron, c’est un peu un rêve de gosse pour moi.

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  10. @Thomas: Attends, mais tu serais top heureux si tu étais mon salarié. Bon, faudrait que tu me fasses mes cafés, je te paierais très mal mais on délirerait bien tu sais (en fait, surtout moi mais c’est ça qui compte) :mrgreen:

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