Google Earth et l’histoire du complexe militaire de Tonopah

Google Earth a cartographié une bonne partie de notre planète, mais il existe encore de nombreuses zones d’ombre. Et contrairement à ce que l’on pourrait croire, ces dernières ne se trouvent pas forcément dans des régions très isolées ou difficiles d’accès.

Brendan Byrne et Dhruv Mehrota s’intéressent depuis longtemps à la cartographie et au service de Google.

Tonopah

Un beau matin, en parcourant le globe, les deux amis ont fait une découverte pour le moins surprenante.

Tonopah, une ville sans histoire

En effet, en explorant le sud-ouest du Nevada, Brendan et Drhuv ont réalisé avec stupeur que les lacs asséchés de Tonopah n’avaient été cartographiés pendant près de huit ans.

Tonopah est une petite ville se trouvant dans l’État du Nevada, et plus précisément dans l’ouest du territoire. Peu peuplée, la cité comptait près de 2 500 habitants lors du dernier recensement effectué par les autorités.

Un endroit sans histoire, donc. Ou presque. L’armée américaine dispose en effet d’un complexe militaire dans la région : le Tonopah Test Range.

Situé à ces coordonnées, le site se trouve à une vingtaine de kilomètres au sud-est de la ville, non loin de deux lacs asséchés. Les fameux lacs “oubliés” par le géant américain dans son service de cartographie.

Mais ce n’est pas le plus intéressant. Cette fameuse base militaire n’est pas une installation tout à fait comme les autres. En réalité, l’armée américaine a décidé dans les années 80-90 de déplacer pendant un temps les tests d’armements du chasseur furtif F-117 de la Zone 51 vers cette base.

Un complexe militaire perdu au milieu de nulle part

Intrigués, Brendan et Dhruv se sont donc lancés dans une vaste enquête, une enquête dont les conclusions ont été exposées chez Motherboard.

D’après eux, les lacs asséchés situés à proximité de la base militaire ont été utilisés pendant plusieurs années pour tester les armes d’essai montées sur les chasseurs développés par l’armée. Ce qui pouvait finalement expliquer les manquements de Google Earth.

Mais voilà, en creusant un peu plus loin, les deux amis ont réalisé que les lacs de Tonopah étaient les seuls à avoir été mis de côté par le service sur une aussi longue durée. Les autres bases militaires présentes sur le territoire américain n’ont effectivement pas eu droit à un tel traitement de faveur et toute la question était bien entendu de savoir pourquoi.

Brendan et Dhruv ont commencé par soupçonner le gouvernement fédéral. Ils se sont donc penchés sur l’histoire de l’imagerie satellitaire commerciale et notamment sur les conditions de censure pouvant s’appliquer aux cartes présentant – ou susceptibles de présenter – des données sensibles.

Les deux chercheurs ont alors appris que toute demande de censure devait respecter une procédure définie : la commande d’obturation. Pour résumer l’idée en quelques mots, les agences gouvernementales et les forces armées du pays ont le droit d’interdire la vente de certaines images satellites en invoquant la sécurité nationale.

Une interdiction du gouvernement ?

Toutefois, une telle demande laisse habituellement des traces écrites et nos amis n’ont pas été en mesure de trouver une quelconque ordonnance correspondant à la zone touchée.

Sachant que ces ordonnances sont parfois difficiles à trouver, Brendan et Drhuv ont eu l’idée de se glisser dans la peau d’un acheteur et ils ont donc cherché à se procurer des vues satellites correspondant aux années ignorées par Google.

Après avoir entamé un premier rapprochement avec DigiGlobe, un des plus gros fournisseurs du marché, ils ont réalisé que ces fameuses cartes existaient bel et bien et qu’elles étaient fournies par une autre entreprise du nom d’Apollo Mapping.

Les deux chercheurs ont donc tenté d’acquérir une de ces cartes… et personne ne les a empêchés de le faire.

L’image leur a été facturée 1984,50 $ et ils s’attendaient bien entendu à bénéficier d’un copyright exclusif dessus. L’idée finale étant ensuite de revendre la carte pour 1 $ symbolique à Google et de vérifier si le géant américain l’incluait dans l’historique de ses vues satellitaires.

Le mystère reste entier

Toutefois, en recevant le contrat d’Apollo Mapping, Brendan et Dhruv ont eu la mauvaise surprise de constater que l’acquisition de cette image ne s’accompagnait pas d’un droit d’auteur exclusif. L’entreprise leur proposait à la place un bail. Les deux amis ont donc contacté un avocat spécialisé dans le droit d’auteur et les médias et ce dernier leur a indiqué que le contrat fourni par l’entreprise ne les protégeait pas d’un avis de retrait.

En d’autres termes, ils étaient invités à payer pour une image qui ne leur appartiendrait jamais.

En dépit de leurs efforts, les deux amis n’ont pas réussi à découvrir ce qui rendait cette zone si différente. Ils ont bien entendu tenté de contacter Google, mais l’entreprise ne leur a pas répondu.

En conséquence, les chercheurs ont eu l’idée d’organiser ce soir un événement à Brooklyn, un événement durant lequel sera présentée l’image acquise auprès d’Apollo Mapping. Ils espèrent que cette initiative ne passera pas inaperçue et qu’elle poussera le géant à sortir de son silence.

Fait intéressant, après la publication de l’article, Google Earth a été mis à jour avec des cartes de la région, des cartes datant de 2014 et de 2015. L’angle mort semble donc se réduire, mais il s’étend tout de même sur six années.

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