
La terrible histoire de l’expédition Franklin
En 1845 partait l’expédition maritime du nom d’expédition Franklin qui avait pour but d’explorer l’Arctique en passant par un passage encore jamais tenté, celui du Nord-Ouest. Cette expédition, qui finalement n’arrivera jamais à destination, a été entreprise à une époque où les Européens commençaient à s’intéresser à l’archipel arctique canadien.
De nombreux explorateurs avaient ainsi fait le voyage pour découvrir ce que recelait cette partie du monde, et vers 1800, l’un des chemins maritimes jugés impossibles était le Passage du Nord-Ouest qui se trouve dans les latitudes tempérées reliant l’Atlantique et le Pacifique.

C’est Sir John Barrow, devenu Second Secrétaire de l’Amirauté Britannique en 1804, qui a soufflé l’idée à la Royal Navy d’utiliser ce passage encore inconnu pour naviguer vers le pôle Nord et découvrir la mer polaire ouverte qui était supposée exister dans la région. C’est ainsi que John Franklin, qui avait déjà une certaine expérience des voyages dans l’Arctique, a été nommé par Barrow comme commandant de l’expédition alors qu’il était âgé de 59 ans.
Franklin partit ainsi à la tête de deux navires ayant déjà voyagé en Antarctique sous les commandes de James Clark Ross, le HMS Erebus et le HMS Terror.
Le voyage de Franklin et de ses compagnons a tourné au cauchemar lorsque leurs navires se sont fait piéger dans la glace en septembre 1846 alors qu’ils se trouvaient au nord-ouest de l’île du Roi-Guillaume. Comme il était impossible de bouger, Franklin et ses hommes ont dû passer deux hivers successifs, 1846-1847 et 1847-1848 sur l’île. D’après un message daté du 25 avril 1848 et laissé sur place par James Fitzjames et Francis Crozier, les deux commandants des navires, c’est sur cette île que John Franklin a perdu la vie le 11 juin 1847. D’autres hommes dont 9 officiers et 15 membres d’équipage auraient aussi connu le même sort. C’est le 26 avril 1848 que les hommes restants ont décidé de partir à pied en direction de la rivière Back qui se trouve actuellement à Nunavut au Canada. Malheureusement, tout l’équipage finira par mourir en chemin au cours de cette tentative pour retrouver la civilisation.
A la recherche de l’expédition Franklin
Les premières recherches pour savoir ce qu’étaient devenus Franklin et ses hommes ont été menées trois ans après leur grand départ. C’est la femme de Franklin, Jane Griffin, ainsi que la presse écrite britannique et les membres du Parlement qui vont pousser l’Amirauté à lancer une campagne de recherche. Un grand nombre d’expéditions vont ainsi se succéder pour essayer de trouver des indices sur le sort des hommes de l’expédition Franklin. Les premiers signes du passage des explorateurs disparus ont ainsi été retrouvés sur l’île Beechey où Franklin et ses compagnons avaient passé l’hiver bien avant d’être piégés près de l’île du Roi-Guillaume. Les signes en question étaient trois tombes où trois membres d’équipage avaient été enterrés.
C’est en 1854 que de nouveaux indices ont été découverts alors que l’explorateur John Rae s’aventurait sur la péninsule Boothia pour le compte de la Compagnie de la Baie d’Hudson. Rae a en fait rencontré un Inuit qui avait assisté à la fin d’environ 40 hommes blancs près de l’embouchure de la rivière Back. Selon l’Inuit, ces hommes seraient morts de faim et sont même passés par un stade de cannibalisme avant de périr. Plusieurs objets ayant appartenu aux hommes blancs, qui étaient en fin de compte les marins de Franklin, ont d’ailleurs été rachetés aux Inuits par Rae. Une année plus tard, d’autres hommes de la Compagnie de la Baie d’Hudson ont pu retrouver deux morceaux de bois, dont l’un portant l’inscription « Erebus », dans la baie de Chantrey, la zone entre la mer et la rivière Back.
La Grande-Bretagne a officiellement annoncé le 31 mars 1854 que tous les hommes de l’expédition étaient morts en service. Mais la femme de Franklin a quand même décidé de commanditer elle-même une expédition sous le commandement de Francis Leopold McClintock. L’expédition arrive à trouver un document laissé sur l’île du Roi-Guillaume par les commandants des deux navires disparus, et racontant les événements qui les avaient conduits à hiverner sur l’île. D’autres expéditions ultérieures vont également découvrir des squelettes, des objets ou encore des tombes sur l’île du Roi-Guillaume.
À lire aussi : P68, ou l’histoire de l’iPod ultra sécurisé
La cause de la mort des membres d’équipage
À partir des années 80, des expéditions scientifiques ont été menées pour essayer d’en savoir plus sur la disparition de Franklin et de ses hommes. Owen Beattie, professeur d’anthropologie de l’université de l’Alberta, est ainsi parti en juin 1981 avec son équipe pour faire des fouilles sur l’île où a péri John Franklin. En faisant des analyses sur les os des membres d’équipage, les chercheurs ont détecté des traces de carence en vitamine C. Sur les os, ils ont aussi observé des traces témoignant du fait que certains des hommes s’étaient effectivement tournés vers le cannibalisme. Des analyses en laboratoire ont aussi révélé un taux très élevé de plomb dans les os des hommes de Franklin, un taux dix fois supérieur à celui retrouvé dans les os des squelettes d’Inuits de la région.
Ne pouvant pas vraiment expliquer l’origine du taux élevé de plomb dans les os retrouvés, Beattie a décidé d’effectuer des autopsies sur les corps enterrés sur l’île de Beechey en 1984. En analysant l’un des corps, les chercheurs ont pu observer que l’homme avait subi de graves effets d’une intoxication au plomb même s’il est finalement mort d’une pneumonie. Plus tard, d’autres recherches effectuées par d’autres chercheurs ont suggéré que la source la plus probable de l’intoxication au plomb était le système de désalinisation des navires, même si l’on pensait auparavant que c’était la faute des conserves soudées au plomb.
Bref, il aura fallu des années et un très grand nombre d’expéditions pour enfin repérer les épaves des deux navires de l’expédition Franklin. Le HMS Erebus a finalement été retrouvé le 7 septembre 2014 et le HMS Terror le 13 septembre 2016. Pour ce qui est de l’équipage, les scientifiques ont finalement conclu qu’ils sont morts de maladies comme la pneumonie ou le scorbut, mais aussi de froid et de faim, et ces facteurs ont été exacerbés par une intoxication au plomb.
En tout cas, cette expédition aura marqué l’histoire de l’exploration de l’Arctique et Franklin et ses hommes seront toujours considérés comme étant les premiers à avoir tenté d’ouvrir le Passage du Nord-Ouest.
À lire aussi : L’histoire des triplés séparés à la naissance dans le cadre d’une expérimente comportementale