Le Sénat a tué la liberté de panorama

Il y a quelques jours je vous parlais de la liberté de panorama, un droit que vous pensiez sûrement avoir mais qui pourtant, en réalité, ne vous est pas accordé : en théorie, votre dernier selfie devant une œuvre quelconque peut vous envoyer en prison. Plutôt triste.

Si l’Assemblée Nationale avait alors voté un texte incomplet et trop flou pour être utilisable, il restait un espoir avec le Sénat. Manque de bol, le Sénat a été encore plus liberticide : avec le texte voté le 22 mars dernier, vous avez encore moins de droits.

Liberté de panorama
Sans liberté de panorama, voila à quoi doivent ressembler vos photos

À côté de cet amendement, le droit d’auteur passe pour être une bonne chose qui ne dure que quelques années. C’est dire.

Le Sénat veut nous empêcher de partager des photos de bâtiments publics

Le texte exact adopté par le Sénat est le suivant :

L’utilisation à des fins commerciales de l’image des immeubles qui constituent les domaines nationaux, sur tout support, est soumise à autorisation préalable du gestionnaire de la partie concernée du domaine national. Cette autorisation peut prendre la forme d’un acte unilatéral ou d’un contrat, assorti ou non de conditions financières.

Bizarrement, pour un texte de loi, c’est plutôt clair. En gros, si vous voulez prendre une photo d’un bâtiment public et la partager, il faudra demander l’autorisation à l’actuel gestionnaire de ce bâtiment qui pourra, s’il le souhaite, demander une contrepartie financière.

Là où le droit d’auteur est, en comparaison, plutôt gentil, c’est qu’il s’arrête : une fois que 70 ans ont passé après la mort de l’auteur de l’œuvre, c’est terminé. L’œuvre entre dans le domaine public et chacun peut la reproduire.

Cet amendement va beaucoup plus loin. Ici ce n’est pas l’auteur qui doit être consulté mais le gestionnaire. Qu’est-ce que cela signifie ? Tout simplement que ce n’est plus à l’auteur qu’il faut demander des autorisations mais à une personne quelconque qui n’a peut-être rien à voir avec la création de l’œuvre elle-même.

Pire encore : en parlant du gestionnaire et non de l’auteur, cette loi est applicable éternellement. Le droit d’auteur s’arrête, mais pas cet amendement : le jour où le gestionnaire actuel part, un autre prend sa place, et ce sera à ce dernier qu’il faudra demander des autorisations, et ce cycle ne prendra jamais fin.

On dénature ici le droit d’auteur lui-même. Ce dernier part du principe qu’un auteur ne doit pas être oublié et qu’il doit rester maître de son œuvre. Où est le rapport avec ce nouvel amendement absurde ?

Malgré ce coup dur, la lutte continue pour obtenir une liberté de panorama en France, et vous pouvez toujours aider Wikimedia à défendre nos droits en signant la pétition qui va bien si ce n’est pas encore fait.

Mise à jour (26/03/2016) : Ce n’est en réalité pas le Sénat qui a voté ce nouvel amendement. Il s’agit en fait de l’Assemblée Nationale, sur une idée proposée par le Sénat.

3 réflexions au sujet de “Le Sénat a tué la liberté de panorama”

  1. J’ai l’impression que vous oubliez tout de même la mention “à des fins commerciales”. Autant dire que vos selfies ne sont absolument pas concernés non ? A moins que vous vendiez vos selfies, mais là …

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  2. Tout le problème de l’utilisation commerciale, comme je le disais dans mon précédent article, c’est qu’elle ne peut pas être bien définie sur Internet. Partager une photo sur Facebook, étant donné leurs conditions d’utilisation, peut être considéré comme une utilisation commerciale par exemple, alors que l’utilisateur ne récupère rien.

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    • Je suis d’accord avec vous pour dire que cette loi, c’est du n’importe quoi, mais je suis certain que les juges ne considèreront pas que la publication sur son compte facebook est une utilisation commerciale.

      à l’opposé, les biscuits Saint Michel vont devoir raquer.

      Et les videos youtube rémunérées risquent de tomber sous le coup…

      Et le 20h d’où l’on voit parfois la Tour Eiffel en fond ?

      Et Assassin’s Creed qui reproduit les monuments de la capitale va devoir aussi obtenir des autorisations…

      Idem pour tout film ou série TV…
      En bref, si appliqué, une catastrophe nationale…

      ET cerise sur le gâteau pour le gouvernement, ça lui permettra d’empêcher pratiquement toute oeuvre filmée à l’extérieur dans le cadre d’une ville réelle, si le message véhiculé ne lui plait pas…

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