Retour sur le manuscrit de Voynich

Le Manuscrit de Voynich constitue l’un des plus fascinants objets d’intrigue de l’histoire de la cryptographie. D’après la datation au carbone 14, l’ouvrage a été écrit au début du XVe siècle en une langue qui ne s’apparente à aucune de celles qui sont connues aujourd’hui. Ainsi, jusqu’à maintenant, malgré de nombreuses tentatives de différents chercheurs, personne ne connaît ni son auteur si le sens des mots qui y sont écrits.

Certains chercheurs ont déjà prétendu avoir décrypté la langue utilisée dans le livre. Toutefois, toutes les études qui ont été publiées sur le sujet ont été fortement critiquées ou n’ont pas été validées par un comité de lecture. D’autres analystes ont également émis l’hypothèse selon laquelle le Manuscrit de Voynich ne serait qu’un hoax.

un vieux manuscrit sur un. bureau
Crédits Pixabay

Heureusement, les scientifiques ne semblent pas perdre espoir. D’ailleurs, une équipe est actuellement sur une piste intéressante. Celle-ci a déployé la technologie de l’Intelligence Artificielle afin d’en venir à bout de l’énigme.

Un parcours chaotique

Le manuscrit, composé de deux cents pages comportant des écritures indéchiffrables, aurait initialement appartenu à un alchimiste du nom de Georg Baresh. Durant plus d’un siècle, il est resté dans l’ombre, passant entre les mains de bon nombre de scientifiques et érudits. Son nom est inspiré de son découvreur, Wilfrid M. Voynich, un passionné de livres rares et anciens.

Finalement, le manuscrit a été archivé parmi la collection de certains jésuites et conservé dans la Villa Mondragone. En 1912, les propriétaires de la maison voulaient la rénover. Afin de rassembler les fonds nécessaires à la réalisation des travaux, ils ont décidé de vendre une partie de la collection, de laquelle le mystérieux ouvrage faisait partie.

Le bibliophile polonais a été mis au courant de la vente par un de ses contacts et s’y est rendu. C’était à l’occasion de cette visite qu’il a rencontré la principale énigme de sa vie. Il a toujours pensé que l’ouvrage a été écrit par Roger Bacon. Toutefois, il n’a jamais réussi à démontrer son hypothèse. À sa mort, en 1930, le livre a été légué à sa femme, Ethel. Après le décès de cette dernière, il a été récupéré par Anne Nill, une amie proche. Nill l’a ensuite revendu à Hans Kraus. Quelques années plus tard, en 1969, ce dernier l’a offert à l’Université Yale. Jusqu’à aujourd’hui, l’ouvrage y est toujours.

Plusieurs tentatives de décryptage

La thèse de Wilfrid M. Voynich, selon laquelle le livre ait été écrit par Roger Bacon, a été infirmée par une datation au carbone 14 réalisée par Greg Hodgins. Selon les analyses du chercheur, le parchemin du livre avait été fabriqué entre 1404 et 1438. Or, à cette époque, Roger Bacon était déjà mort depuis des siècles.

Des experts, comme James Finn, ont avancé  que la langue utilisée pour rédiger l’ouvrage était tirée de l’hébreu. De son côté, Jacques Guy a avancé qu’il s’agit tout simplement d’un « langage naturel exotique ».

Après avoir scruté les pages du manuscrit, William F. Friedman et John Tiltman ont conclu qu’il est axé sur la philosophie et la métaphysique. D’autres cryptographes ont émis l’hypothèse selon laquelle il s’agit d’un traité d’alchimie, ou encore un herbier.

Des prétentions de déchiffrement

En 2017, un chercheur nommé Nicholas Gibbs a déclaré avoir résolu l’énigme. Toutefois, l’étude qu’il a réalisée a été largement controversée. Plus récemment, un dénommé Gerard Cheshire, de l’université de Bristol, a publié un article dans la revue Romance Studies. Dans le document, il prétend avoir identifié la langue utilisée dans le livre en seulement deux semaines.

Selon les conclusions de l’universitaire, il s’agirait d’un ouvrage de référence thérapeutique. Le manuscrit aurait été écrit en une langue calligraphique protoromane par des religieuses dominicaines. Il s’agirait d’un mélange de plusieurs langues, dont le portugais, l’espagnol, l’italien et même le français. Il a noté que le manuscrit a été écrit pour le compte de Maria de Castille, reine d’Aragon.

Il a expliqué que cet alphabet spécifique est en fait une combinaison de symboles inconnus et familiers. Il a souligné que le texte est en minuscule et ne comporte aucun signe de ponctuation. Quelques abréviations en latin figureraient également sur certaines pages du livre. Il pense que ce sont tous ces détails qui ont rendu le document difficile à traduire.

Toutefois, les résultats de cette étude n’ont pas fait l’unanimité au sein de la communauté scientifique. En réaction à des critiques de nombreux experts en littérature médiévale, l’université de Bristol a retiré l’article.

Un gigantesque canular ?

De nombreux analystes ont émis l’hypothèse selon laquelle le langage du manuscrit aurait été inventé de toutes pièces. Un expert en chiffrement a avancé que c’est tout à fait normal que le manuscrit soit indéchiffrable, tout simplement parce que c’est le but de son auteur.

Certains chercheurs ont soupçonné Wilfrid M. Voynich d’avoir lui-même conçu le livre en y écrivant du charabia. Toutefois, cette théorie a rapidement été réfutée par le résultat de la datation au radiocarbone.

Dans le but de vérifier l’authenticité du manuscrit, des chercheurs de l’Université de Manchester ont recouru à des méthodes issues de la théorie probabiliste de l’information de Shannon. Ils ont constaté que les écritures dans l’ouvrage avaient une organisation et une structure complexe. L’analyse a aussi révélé que l’ordre dans laquelle les mots ont été arrangés semble présenter une certaine compatibilité avec une langue réelle.

Gordon Rugg, un psychologue et linguiste britannique, est persuadé que le livre n’est qu’un hoax. Pour démontrer sa théorie, il s’est livré à différentes expériences. Il a recouru à de nombreuses méthodes, comme la loi de Zipf. Il a également essayé de trouver des similitudes entre le manuscrit et d’autres ouvrages. Finalement, il a réussi à démontrer qu’il est tout à fait possible de créer une fausse langue qui présente des ressemblances avec celles qui existent déjà.

Toutefois, les résultats de ses études ont été critiqués par Marcelo Montemurro, qui pense que la complexité de l’ouvrage devrait suffire pour exclure l’hypothèse de l’escroquerie.

Déployer l’IA pour élucider le mystère

Pour sa part, une équipe de chercheurs de l’université de l’Alberta a obtenu des résultats prometteurs après avoir déployé l’IA pour résoudre l’énigme. Concrètement, ils ont conçu un algorithme capable de reconnaître, avec 97 % de précision, une langue parmi trois cents versions de la Déclaration des droits de l’homme, écrite en langages et dialectes différents.

Si l’on en croit l’Intelligence Artificielle, l’ouvrage aurait été rédigé en hébreu. L’écriture serait cryptée par un système basé sur la suppression des voyelles et la modification de l’ordre des mots composant les phrases.

Grâce à cette approche, l’équipe canadienne a obtenu une phrase qui semble avoir du sens. Il s’agit de la première phrase de l’ouvrage : « Elle a donné des recommandations au prêtre, au chef de la famille, aux gens et à moi-même ».

Cependant, il est important de noter que la recherche n’a pas encore fait l’objet d’une contre-étude. Les chercheurs ont fait appel à une collaboration internationale. Ils estiment que le décryptage du texte ne peut se faire en l’absence d’historiens et d’experts en hébreu.

La reproduction de l’ouvrage a récemment été autorisée par la maison d’édition Siloé. À l’heure actuelle, il existe 898 exemplaires du manuscrit. Pour s’en procurer, il faut débourser environ huit mille euros.

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